soufisme - Tariqa Qadiriya Boutchichiya
soufisme - citations : Coran, Hadiths, maîtres soufis

Sidi Hamza (1922-2017)


Sidi Hamza al-Qâdiri Boudchich naquit en 1922 dans le petit village de Madagh, situé dans la plaine de Berkane, au nord-est du Maroc. Il grandit dans un climat de dévotion et de piété au sein du centre spirituel - zaouïa - fondé par ses ancêtres. Sidi Abbas (1890-1972), le père de Sidi Hamza, était propriétaire terrien et emmenait chaque jour son fils dans les vergers afin qu'il s'habitue aux travaux de la terre. Dès l'âge de sept ans, Sidi Hamza commença des études religieuses à la zaouïa de Madagh. A quatorze ans, il termina l'apprentissage du Coran. Il poursuivit à Oujda des études de grammaire, de jurisprudence en droit islamique, d'exégèse du Coran et des traditions orales - hadith -. De retour à Madagh, il approfondit encore ses connaissances livresques pendant quatre années, auprès de deux grands savants de Fès installés à la zaouïa. Le vaste savoir de Sidi Hamza lui ouvrait les portes dorées de la magistrature ou de l'enseignement, mais la réussite sociale indifférait le brillant étudiant qui choisit de rester à la ferme familiale. En fait, depuis son plus jeune âge, il aspirait à la fine pointe de la connaissance intérieure qui n'est pas accessible à travers les livres. Sa soif spirituelle allait être bientôt comblée par la rencontre de celui qui allait devenir son guide, Sidi Abû Madyan (1873-1957), un lointain cousin vivant humblement dans les montagnes voisines de Beni Snassen.

Au cours de l'année 1942, Sidi Hamza s'est engagé, ainsi que son père, à suivre l'enseignement direct de Sidi Abû Madyan. Si Sidi Abbas avait dépassé cinquante ans, son fils, alors jeune marié, avait tout juste vingt ans. Le cas de Sidi Hamza constituait de ce point de vue une exception car, à cette époque, un des critères d'admission au sein des grandes confréries sunnites - tariqa - consistait à avoir atteint l'âge de la maturité en ayant auparavant surmonté un certain nombre d'épreuves préparatoires. Cette spécificité était le signe providentiel qu'un destin très particulier attendait le jeune homme, et laissait en même temps augurer des transformations dans l'enseignement qui allaient s'accomplir lorsque lui-même deviendrait le guide de la voie. Sidi Abû Madyan quitta les montagnes où il vivait et répondit favorablement à l'invitation de Sidi Abbas qui lui proposa de s'installer à Madagh. Les conditions extérieures furent ainsi réunies pour qu'une transmission d'un ordre subtil puisse s'opérer entre le maître et ses deux nouveaux disciples. En effet, Sidi Abû Madyan faisait partie de ces grands saints ayant reçu le dépôt spirituel hérité du Prophète Muhammad, et dont l'enseignement avait pour but de le transmettre à celui qui s'avérait digne de recevoir ce précieux secret.

Sidi Abû Madyan aimait beaucoup Sidi Hamza et lui confiait : "Cet amour que j'ai pour toi, c'est celui que ressentait le Prophète Jacob pour son fils Joseph". Sidi Hamza demeura quatorze ans auprès de Sidi Abû Madyan, partageant ses repas et veillant sur sa santé. Il mettait en application toutes les indications de son maître et consacrait des nuits entières à la pratique de l'invocation de Noms divins - dhikr -. Durant ces années, il goûta toutes les étapes de la progression spirituelle, jusqu'aux plus hauts sommets de la réalisation intérieure de l'Unité. Après la mort de Sidi Abû Madyan, Sidi Hamza devint héritier du dépôt spirituel, ainsi que son père. Fils respectueux et disciple accompli, il n'exercera cependant les fonctions auxquelles il était destiné qu'au moment voulu par Dieu et selon les indications de son père. Sidi Hamza s'est donc enraciné dans la voie avec un état de profonde humilité et un esprit de service, jusqu'au moment où il fut autorisé à prendre lui-même la direction spirituelle de la tariqa, à la mort de son père, en 1972.

Si le chemin de Sidi Abû Madyan était placé sous le signe de l'épreuve et de la rigueur, celui de Sidi Hamza décrivit les contours de la Miséricorde et de la beauté. De même, si l'enseignement de Sidi Abû Madyan était destiné à une poignée de disciples, celui de Sidi Hamza s'adressa au plus grand nombre. Au cours des années 1980, la modeste zaouïa de Madagh se métamorphosa en un vaste centre de retraite conçu pour accueillir les disciples dont le nombre croissait sans cesse. Sidi Hamza veilla sur tous les travaux avec le souci constant que la mise en œuvre du projet immobilier coïncide avec les besoins nouveaux d'une tariqa qui allait très vite devenir la voie spirituelle la plus dynamique du Maroc, attirant à elle des milliers de nouveaux disciples, hommes et femmes, représentant toutes les composantes de la société. Les revenus générés par le domaine agricole de la zaouïa permirent la construction de nouveaux bâtiments et l'élaboration de dizaines de milliers de repas servis gracieusement tout au long de l'année à ceux et à celles qui faisaient halte, attirés par la réputation du saint homme.

Depuis les années 1990, l'enseignement de Sidi Hamza a largement dépassé les frontières du Maroc. Sous l'impulsion première des disciples marocains présents sur les sols européen et américain, la voie s'est progressivement répandue et a su notamment attirer des centaines de personnes de souche non musulmane, touchées par un message empreint d'authenticité, d'ouverture, de respect et de fraternité. Elle acquiert désormais une dimension internationale et universelle que l'on peut mesurer chaque année lors de la cérémonie de l'anniversaire du Prophète Muhammad - Mawlid an-Nabawi - qui attire à Madagh plusieurs dizaines de milliers de disciples venus du monde entier et qui suscite l'intérêt des médias.

Au début des années 2000, Sidi Hamza s'installa à proximité d'Oujda, dans les vastes étendues du plateau d'Angad, et effectuai le déplacement à Madagh pour assister aux principales cérémonies. Malgré son âge canonique, il restait très actif et recevait chaque jour à son domicile ses disciples venant recevoir des conseils de sa part ou même échanger un simple regard. Selon ses propres propos, c'est à partir de cette relation de compagnonnage et d'un ancrage dans les pratiques quotidiennes que se diffuse l'enseignement qu'aucun livre ou qu'aucun maître défunt n'est susceptible de distiller.

Rappelé à Dieu le 18 janvier 2017, il laissa à ses disciples un autre maître vivant en la personne de son fils, Sidi Jamal.